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2022 et la fête commence !
29 novembre 2021

L’Allemagne.

                                              Le Sud de la Bavière, l'Allemagne au sommet

 

    Par une journée glaciale du mois de février 1933, à Berlin, 24 grands patrons allemands se trouvent réunis par Hermann Goering, ministre de l’intérieur du Reich, afin de soutenir financièrement le parti nazi pour les prochaines élections au Reichstag ; le chancelier Adolf Hitler fait une brève intervention :

          « Avec le parti nazi au pouvoir, chacun de vous sera le führer dans son entreprise. »

C’est ce que nous relate Eric Vuillard dans son essai « L’ordre du jour », prix Goncourt 2017. Evidemment Hitler n’est d’ordinaire pas très bien élevé, mais cette journée là il s’exprime tout à fait correctement ; et puis, qui d’autre pour encadrer et mobiliser les masses ? Aussi les patrons, parmi lesquels ceux des firmes AGFA, ALLIANZ, BASF, BAYER, IG FARBEN, KRUPP, OPEL, SIEMENS, TELEFUNKEN, s’exécutent de bonne grâce. Ils seront largement récompensés pendant la guerre, en utilisant le travail forcé des déportés, internés et prisonniers, main d’œuvre à bon marché. Ils traverseront les vicissitudes de l’après-guerre sans trop de bobos, et seront recyclés en général ; vous l’avez remarqué, toutes les firmes citées existent encore et se portent ma foi pas mal du tout. A une plus petite échelle nos patrons français ont pu également réintégrer leurs postes quelques mois ou quelques années après la libération : leur collaboration avec l’occupant est vite passée aux oubliettes.

    Il manque une entreprise dans la liste : VOLKSWAGEN alias VW, la voiture du peuple, et pour cause car elle a été fondée par le Führer en personne, avec sa première usine dans une ville créée pour l’occasion, Wolfsburg en Basse Saxe, la tanière du loup, tout un programme. Bon sang ne ment pas, les patrons de 1933 se sont rendus complices de l’extermination de millions de gens dans les camps, leurs successeurs de 2021 seront bien capables de participer activement à la destruction de la planète. Deux exemples : BAYER rachète en 2018 la firme MONSANTO, championne du monde des OGM et du glyphosate, pour la modique somme de 63 milliards de dollars ; VW, associée à PORSCHE, après avoir brillé dans le truquage des tests anti-pollution des moteurs diesel, se lance résolument dans la fabrication des voitures électriques, 25 millions par an à l’horizon 2035, lourdes et puissantes autant que possible. Comment peut-on préserver la planète avec de tels projets ? La réunion du 20 février 1933 nous interpelle par l’exemple qu’elle donne de ce que peuvent faire en vrai quelques patrons : ni foi ni loi.

    Au XIXème siècle, l’Allemagne devient le pays par excellence des fabriques ; nous l’avions évoqué dans le chapitre précédent. Actuellement elle ne compte pas moins de 6 millions de PME (petites et moyennes entreprises). Un Allemand sur deux travaille pour l’une d’entre elles ; certaines de ces PME possèdent des filiales en Asie, en Chine notamment. Les grands groupes ne sont pas en reste, comme VW qui possède 25 usines opérationnelles en Chine ; figurez-vous - incroyable mais vrai - qu’on produit davantage de voitures de marque allemande en Chine qu’en Allemagne : 5 millions contre 4,5 millions par an. Le marché chinois représente une formidable opportunité, avec son milliard et demi de consommateurs, qu’en aucun cas nos amis d’outre-Rhin ne voudront lâcher. Il leur faudra pourtant prendre eux aussi du recul par rapport à la mondialisation, cesser d’accumuler les excédents commerciaux qui riment avec des déficits chez leurs partenaires européens et accessoirement avec un matraquage de l’environnement à coup de grosses berlines. BMW, VW, PORSCHE, AUDI, MERCEDES symbolisent toujours la réussite sociale dans les rues de New York ou de Shanghai, tout en dégageant un maximum de CO2.

    La culture allemande a enfanté un nombre incroyable de génies universels, Kant, Hegel, Goethe, Marx, Freud, Einstein, sans compter les grands compositeurs : Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Wagner. Le pays compte davantage de militants écologistes que partout ailleurs dans le monde ; l’économie alternative y prend une résonance tout à fait particulière, avec le jardinage, le tri sélectif des déchets, la récupération, les mobilités douces, la place déjà importante accordée aux énergies renouvelables. L’Allemagne a mis beaucoup plus de soin que la France pour préserver la convivialité, notamment en privilégiant les commerces de proximité. Dans ses entreprises, avec la cogestion, les ouvriers arrivent à se faire entendre à travers les comités d’entreprise, sans aller toutefois jusqu’à se mêler des questions de stratégie. Pendant combien de temps ce pays continuera-t-il à confier son destin à ses managers petits ou grands, mauvais génies tout juste capables de raisonner en termes de comptes d’exploitation et de taux de profit ? Entre la préservation de la planète et la course aux exportations, il faudra bien choisir.

     En décembre 2021, le nouveau gouvernement d’Olaf Scholz a mis au jour la stratégie énergétique de l’Allemagne pour les décennies à venir : abandon complet du nucléaire dès maintenant, suppression des centrales à charbon à l’horizon 2030 « dans l’idéal » ; on garde des centrales au gaz jusqu’à ce que l’hydrogène devienne opérationnel ; et surtout on continue le déploiement des énergies renouvelables. Même si ces projections oublient l’essentiel - la maîtrise de la consommation globale d’énergie – et manifestent un optimisme exagéré dans les possibilités offertes par l’hydrogène, elles nous paraissent bien plus prometteuses que la stratégie française focalisée sur le nucléaire, multipliant les risques de manière aberrante.

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